Inconstitutionnalité du régime fiscal des rentes viagères transactionnelles versées pour réparer un préjudice corporel

Jurisprudence
Fiscalité Impôt sur le revenu - IRPP

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Contexte de l'affaire

C.consti 2018-747 QPC 23 novembre 2018

Les rentes viagères versées en vertu d'une condamnation judiciaire et visant à réparer un préjudice corporel ayant entraîné pour la victime une incapacité permanente totale l'obligeant à avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie (incapacité permanente d'au moins 80% notamment) sont exonérées d'impôt sur le revenu (article 9 de l'article 81 du code général des impôts)

L'exonération obéit à des règles strictes et ne concerne pas, notamment, les rentes transactionnelles.

Pour le requérant, ces dispositions, en exonérant les rentes viagères dans la seule hypothèse où elles sont versées en vertu d'une condamnation prononcée judiciairement, et non également dans l'hypothèse où elles sont versées en vertu d'une transaction entre la victime et la personne responsable du dommage ou son assureur, sont contraires aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques (article 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen).

Cette question de constitutionnalité fut jugée sérieuse par le Conseil d'Etat, qui la renvoie devant le Conseil constitutionnel.

Le Conseil juge les dispositions incriminées contraires à la Constitution. En effet, pour lui, elles instituent une différence de traitement entre les victimes d'un même préjudice corporel, sans rapport avec l'objet de la loi, qui est de faire bénéficier d'un régime fiscal favorable les personnes percevant une rente viagère en réparation du préjudice né d'une incapacité permanente totale.

Ainsi, les mots « en vertu d'une condamnation prononcée judiciairement » figurant au 9° bis de l'article 81 du CGI doivent être déclarés contraires à la Constitution.

Extraits de l'arrêt

Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

Selon l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

En vertu du 9° bis de l'article 81 du code général des impôts, sont affranchies d'impôt sur le revenu les rentes viagères visant à réparer un préjudice corporel ayant entraîné une incapacité permanente totale lorsqu'elles sont versées en exécution d'une décision de justice. Celles versées en réparation d'un même préjudice en application d'une transaction ne bénéficient pas de ce régime fiscal. Les dispositions contestées instituent donc une différence de traitement entre les victimes d'un même préjudice corporel. Cette différence de traitement est sans rapport avec l'objet de la loi, qui est de faire bénéficier d'un régime fiscal favorable les personnes percevant une rente viagère en réparation du préjudice né d'une incapacité permanente totale. Par conséquent, les dispositions contestées méconnaissent les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789.



Les mots « en vertu d'une condamnation prononcée judiciairement » figurant au 9° bis de l'article 81 du code général des impôts doivent être déclarés contraires à la Constitution.

Cour de cassation du , arrêt n°2018-747

Commentaire de LégiFiscal

Cette décision prend effet à compter de sa date publication et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.