Pour le Conseil constitutionnel, les sanctions pénales et fiscales peuvent être cumulées

Jurisprudence
Fiscalité Contrôle fiscal

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Contexte de l'affaire

C. consti 23 novembre 2018 n°2018-745

L'article 1728 1 du CGI prévoit que les omissions ou retards déclaratifs sont sanctionnés d'une pénalité de :

- 10% en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure,

- 40% si la déclaration n'a pas été envoyée dans les 30 jours suivant la réception d'une mise en demeure,

- 80% en cas de découverte d'une activité occulte.

En outre, en vertu de l'article 1741 du même code, le contribuable coupable d'une fraude fiscale est passible d'une amende de 500.000 euros et de 5 ans d'emprisonnement.

En l'espèce, un contribuable considérait que le fait qu'une même omission déclarative puisse faire l'objet, à la fois, des poursuites administratives et pénales prévues par les dispositions précitées des articles 1728 et 1741 du CGI méconnaitrait les principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines.

Pour lui, en effet,  l'omission déclarative en matière fiscale ne présenterait pas le degré de gravité susceptible de justifier le cumul de ces deux poursuites.

Cette question de constitutionnalité fut jugée sérieuse par la Cour de cassation, qui la renvoya devant le Conseil constitutionnel.

Pour ce dernier, ce cumul est possible, sous réserve cependant que seuls les cas de fraude les plus graves soient sanctionnés et que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues.

En outre, les dispositions attaquées sont constitutionnelles prises isolément, sous réserve qu'un contribuable qui a été déchargé de l'impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond ne puisse pas être condamné pour fraude fiscale.

Extraits de l'arrêt

Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues.



Il appartient au Conseil constitutionnel, au regard de ces exigences, d'examiner la constitutionnalité des dispositions contestées de l'article 1728 et de l'article 1741 du code général des impôts puis d'examiner la constitutionnalité de la combinaison de ces mêmes dispositions.

Sous cette réserve, les dispositions contestées de l'article 1741 du code général des impôts prises isolément ne sont pas contraires aux principes de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines.

Cour de cassation du , arrêt n°2018-745

Commentaire de LégiFiscal

Solution logique car dans une décision n°2016-556 du 22 juillet 2016, le Conseil avait déjà jugé que l'application cumulée de l'article 1729 du CGI (sanction de 40% pour insuffisance de déclaration) et de l'article 1741 du même code (permettant, indépendamment des sanctions fiscales, de poursuivre pénalement le contribuable) était conforme à la Constitution.