Contexte de l'affaire
Dans une décision rendue le 22 novembre dernier, le Conseil d’État a considéré en application du droit communautaire, que les sommes versées en rémunération d’une prestation d’une société française vers une société non résidente devaient faire l’objet d’une retenue à la source sur la base de cette rémunération, mais déduction faite des frais professionnels (Conseil d’État, décision n°423698 du 22 novembre 2019).
La retenue à la source
Selon l’article 182 B I a du CGI, les sommes versées en rémunération d’une activité réalisée en France dans le cadre d’une activité relevant des BNC (bénéfices non commerciaux) par un débiteur exerçant une activité en France à des personnes ou des sociétés relevant de l’IR ou de l’IS qui n’ont pas dans ce pays d’installation professionnelle permanente (non-résidents).
Selon ce même article, la retenue à la source est calculée sur la totalité des sommes correspondant à la rémunération de l’activité sans que puissent être déduites de la base les charges exposées à raison de l’exercice de l’activité déployée.
Les faits
Dans l’affaire dans laquelle le Conseil d’État a eu à se prononcer, une société de gestion d’un port affectait des postes à quai inoccupés à des usagers moyennant le versement d’une redevance. Cette société reverse ensuite ces redevances sous déduction de frais de gestion à 19 sociétés étrangères, actionnaires de la société immobilière de copropriété et représentant les intérêts des propriétaires des 19 postes affectés par la société de gestion du port.
L’administration fiscale a considéré que les sommes versées concernaient une des activités visées à l’article 92 (dont les bénéfices non commerciaux) et devaient être soumises à la retenue à la source prévue à l’article 182 B I a du CGI. La demande d’annulation de ce redressement par la société de gestion du port a été rejetée par le tribunal administratif de Nice (jugement du 19 janvier 2017) et par la cour administrative d’appel de Marseille (arrêt du 26 juin 2018).
Commentaire de LégiFiscal
La décision du Conseil d’État
Dans sa décision du 22 novembre 2019, le Conseil d’État a estimé que l’activité de sous-location d’anneaux d’amarrage présentait bien le caractère de profession mentionnée à l’article 92 (activité non commerciale) et nécessitait bien l’application de la retenue à la source.
Selon l’article 182 B du CGI, la retenue à la source doit effectivement s’appliquer sur le montant des loyers encaissés par la société de gestion sans déduction des frais de gestion prélevés par cette société en rémunération de son entremise.
Néanmoins, la haute juridiction retient que ce dernier point s’oppose aux articles 56 et 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (UE). La jurisprudence constante de l’Union européenne s’oppose à toute restriction de la libre prestation de services à l’intérieur de l’UE. En conséquence, elle s’oppose aux législations nationales interdisant pour le calcul d’une retenue à la source, la déduction des frais professionnels. En effet, si le prestataire de services (bénéficiaires des loyers) résidait en France, il serait soumis à l’impôt uniquement sur ses revenus nets après déduction des frais professionnels.
La société de gestion du port ne peut ainsi contester l’application de la retenue à la source, mais peut exiger la déduction de la base de ses frais professionnels.
Source : Conseil d’État, décision n°423698 du 22 novembre 2019