Abus de droit fiscal : le Conseil d'Etat vient de rendre un arrêt précisant la notion.

Jurisprudence
Fiscalité Impôt sur le revenu - IRPP Nouveauté

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Contexte de l'affaire

Le 3 mai 2007, M. G... a fait apport de 1 890 476 titres de la société Compagnie de l'Audon à la société civile BJPG Participations .

La plus-value réalisée (36 millions d'euros) a alors été placée automatiquement sous le régime du sursis d'imposition prévu par l'article 150-0 B du Code général des impôts.

Le même mois, la société Compagnie de l'Audon procède au rachat de ses propres titres auprès de la société BJPG Participations, pour un prix identique au prix de l’apport.

Pour résumer

Apport de titres d’une Société A à une Société B et réalisation d’une plus-value faisant l’objet d’un sursis d’imposition

La Société A rachète les titres à la Société B, à un prix correspondant à la valeur de l’apport. 

L'article L. 64 du LPF ( Livre des Procédures Fiscales), dans sa version applicable au litige dispose que : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées ».

La quasi-simultanéité des deux opérations est une raison qui fait que, l'abus de droit a été retenu par le Conseil d'Etat.

L'arrêt de la Cour d'appel est contesté pour un motif autre, à savoir l’appréciation de la catégorie des revenus en cause.

En cas d'abus de droit, le fraudeur s'expose à une majoration des sommes dues (article 1729 du CGI),

A l'issue d'un contrôle, l'administration fiscale a considéré que l'apport des titres de la société Compagnie de l'Audon à la société BJPG Participations, préalablement au rachat de ses propres titres par la société Compagnie de l'Audon, avait eu pour seul objet d'éviter l'imposition immédiate que M. B... aurait dû supporter si, à défaut d'interposition de la société BJPG Participations, la société Compagnie de l'Audon lui avait directement racheté ses titres. L'administration fiscale a, pour ce motif, remis en cause le bénéfice du sursis d'imposition 

M. et Mme G... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement en 2016, le tribunal administratif de Paris a prononcé la réduction, en droits et en pénalités, des impositions et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Par un arrêt de 2018, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement


Pourvoi de M. et Mme G... au Conseil d'Etat

Cour de cassation du , arrêt n°Conseil d'État N° 421444 12 février 2020

Commentaire de LégiFiscal

  1. M et Mme G... ont créé la société civile BJPG Participations, qui a opté pour l'impôt sur les sociétés.

A l'issue d'un contrôle, l'administration fiscale a considéré que l’opération avait eu pour seul objet d'éviter l'imposition immédiate que M. G… aurait dû supporter si, la société Compagnie de l'Audon lui avait directement racheté ses titres.

Pour ce motif : remise en cause le bénéfice du sursis d'imposition

Sur l'existence d'un abus de droit :

La société Compagnie de l'Audon (CDA) a été constituée par trois dirigeants du groupe Wendel.
Il ressort des pièces du dossier que la succession des opérations doivent être regardés comme ayant poursuivi un but exclusivement fiscal et contraires à l'objectif poursuivi par le législateur.

Dans ces conditions, « la cour administrative d'appel n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en retenant l'existence d'un abus de droit. »

Sur la catégorie d'imposition du gain

Pour juger que le gain réalisé par les requérants devait être imposé dans la catégorie « traitements et salaires », la cour s'est bornée à relever, d'une part, la volonté du groupe Wendel d'intéresser ses cadres dirigeants aux résultats de la société Wendel Investissement et, d'autre part, l'absence de risque de l'investissement réalisé par les requérants.

En jugeant ainsi que (gain, comme un complément de salaire), sans caractériser l'existence d'un avantage financier consenti à l'intéressé, la cour a commis une erreur de droit.


Il résulte de tout ce qui précède, « sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. et Mme B... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent ».

Décide :
L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 12 avril 2018 est annulé.

L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Conseil d'État

N° 421444 12 février 2020