Cession à vil prix et donation déguisée ? Formalisme de rectification fiscale

Jurisprudence
Fiscalité Impôt sur le revenu - IRPP Nouveauté

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Contexte de l'affaire

Une SCI constituée le 18 juillet 2006 entre M. Q.., notaire, et son épouse, Mme G.., a, le 27 octobre 2006, acquis de B.O.., trois appartements situés, respectivement à Malakoff (92) et à Paris.


B.O.., décédé, l'administration fiscale effectue un contrôle de la déclaration de succession. Elle constate alors un écart substantiel entre le prix de vente des trois biens en cause et les valeurs ressortant du marché local, « à l’évidence représentatif de ventes à vils prix ».

Selon elle, cela ne résultait pas d’une simple erreur du contribuable en l’absence d’élément intentionnel, mais, au contraire, était volontaire et le fait de personnes parfaitement informées. Pour rappel, l’un des associés de la SCI est notaire.

Elle a notifié à la société une proposition de rectification, en considérant que les trois ventes constituaient des donations indirectes.

Les rectifications envisagées ont été assorties d'intérêt de retard et de pénalité pour manquement délibéré

La SCI a assigné la direction départementale des finances publiques aux fins d’annulation de cette décision de rejet et décharge des droits et impositions réclamées.

Réponse de la Cour

Dans sa proposition de rectification, l'administration, « s'est attachée à démontrer la réunion des éléments constitutifs d'une donation sous l'apparence d'une vente, tout en invoquant la volonté manifeste et délibérée de la société, eu égard à la profession de notaire de son principal associé, d'éluder les droits dont elle était redevable, et, dans ses écritures d'appel, a soutenu que l'écart substantiel entre les prix de cession pratiqués et les valeurs ressortant du marché local, représentatif de ventes à vils prix, était volontaire et le fait de personnes parfaitement informées, justifiant l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts. »

« …lorsque l’administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts ['] les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A »,

Tandis que l’article L. 64 prévoit que « afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si les actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles » 

Cour de cassation du , arrêt n°17-31642

Commentaire de LégiFiscal

En l’espèce, avec cet article, l’administration fiscale peut utiliser la procédure d’abus de droit pour écarter les actes fictifs ou inspirés par un motif exclusivement fiscal.

« …qu’en décidant que cette procédure aurait dû être utilisée dans le cadre d’un redressement portant sur l’existence d’une donation indirecte, alors même que l’administration fiscale n’avait jamais invoqué une quelconque dissimulation ou fictivité, la cour d’appel a violé l’article L.64 du livre des procédures fiscales. »

La cour d’appel a pu déduire que la procédure de redressement et celle, subséquente, de recouvrement étaient entachées d’irrégularité, justifiant le dégrèvement ordonné.

La cour de cassation annule le redressement sur le motif que la cession à vil prix était une donation déguisée et qu’en conséquence l’administration aurait dû appliquer l’article 64 LPF ce qu’elle n’a pas fait et donc le contribuable a été empêché de demander l’avis du comite des abus de droit

Le moyen n’est donc pas fondé.

La Cour rejette le pourvoi

Cour de cassation, Chambre commerciale, 4 mars 2020, 17-31.642Arrêt n° 168 F-D