Contexte de l'affaire
La juridiction administrative vient de rappeler que la simple constatation de la possession par un contribuable de biens immobiliers dans un Etat ne peut à elle seule caractériser une domiciliation fiscale dans cet Etat.
M et Mme A ont fait l’objet d’un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2007 et 2008.
L’administration fiscale a estimé que la résidence fiscale des contribuables était située en France et non en Belgique comme M. et Mme A le soutenaient.
Elle a donc mis à leur charge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, au titre de ces deux années, « à raison de dividendes et de distributions occultes versés par la société française S. »
M et Mme A ont demandé au TA (Tribunal Administratif) de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations d’impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondantes, ainsi que des pénalités correspondantes.
Le TA de Montreuil a déchargé M et Mme A d’une partie des suppléments d’impôts en litige et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
En appel formé par M et Mme A, la CAA (Cour Administrative d'Appel) de Versailles les a déchargés de la majoration de 25 % appliquée sur l’assiette des prélèvements sociaux calculés sur les distributions occultes restant en litige et a rejeté le surplus de leur requête.
M et Mme A se pourvoient en Cassation.
M et Mme A se prévalaient du fait que leur domicile fiscal n’était pas en France au sens des dispositions précitées de l’article 4 B du CGI mais en Belgique : « dès lors que leur foyer ou leur lieu de séjour principal n’était pas en France et que leur activité professionnelle et le centre de leurs intérêts économiques n’étaient pas en France. »
Pour la Cour :
- Si le foyer et l’activité professionnelle de M. et Mme A ne se situaient pas en France,
- Ils y possédaient toutefois le centre de leurs intérêts économiques au regard des sociétés et biens immobiliers qu’ils y possédaient.
« La circonstance qu’ils se soient domiciliés en Belgique et y aient payé leurs impôts n’est pas de nature à établir qu’ils soient résidents fiscaux en Belgique. »
Pour la Cour, M et Mme A n’établissaient pas disposer hors de France d’un patrimoine à l’étranger supérieur à leur patrimoine français ni disposer de revenus en Belgique ou en Espagne supérieurs aux revenus de source française qu’ils ont perçus, l’administration était fondée à soutenir que le centre de leurs intérêts économiques se situait en France.
Le Conseil d’Etat vient de censurer l’arrêt de la CAA de Versailles
Commentaire de LégiFiscal
La haute juridiction administrative souligne que pour juger que M. et Mme A avaient le centre de leurs intérêts économiques et, par suite, leur domicile fiscal en France, la cour s’est fondée sur la circonstance qu’ils possédaient dans ce pays des sociétés et des biens immobiliers.
La cour a commis une erreur de droit :
En se bornant à cette constatation sans rechercher si ce patrimoine était productif de revenus, (leurs revenus de source française n'étaient qu'exceptionnels en 2007 et inexistants en 2008).
La cour a insuffisamment motivé sa décision :
En se bornant à affirmer que M. et Mme A. disposaient de plusieurs foyers d'habitation permanents, alors qu’ils avaient fait valoir que leurs biens immobiliers en France ne pouvaient être analysés comme tels.
« Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, M. et Mme A. sont fondés à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt qu'ils attaquent. »
Décide :
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 16 octobre 2018 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure définie à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A. la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Source : Arrêt du Conseil d’Etat du 7 octobre 2020, n°426124