Contexte de l'affaire
Des contribuables ayant procédé à des apports avec soulte ont été redressés par l’administration fiscale, en abus de droit Fiscal.
Leur réclamation rejetée, les contribuables ont saisi le TA (Tribunal Administratif) de Grenoble, puis le CE (Conseil d’Etat) le 12 mai 2020.
Le recours porte sur l’annulation pour excès de pouvoir du paragraphe n° 170 du CGI (Code Général des Impôts) des commentaires administratifs publiés le 4 mars 2016 au BOFIP-Impôts
Article 150-0 B ter du CGI : La plus-value latente se retrouve en report d’imposition.
Avec cet apport, la personne est rémunérée par les titres complétés par une soulte.
L’exonération de la soulte est dans la limite de 10 %.
Un contribuable apporte des titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés et cet apport est également rémunéré par une soulte d’un montant n’excédant pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus.
Dans cette hypothèse, l’apport bénéficie d’un sursis ou d’un report d’imposition de la plus-value réalisée et la soulte appréhendée n’est pas taxable.
M et Mme B. demandent l'annulation, pour excès de pouvoir, du paragraphe 170 des commentaires administratifs par lesquels l'administration donne son interprétation des dispositions de l'article 150-0 B ter du CGI.
Les commentaires administratifs rappellent, qu'en cas d'échange avec soulte, l'article 150-0 B ter « limite l'application du report d'imposition aux opérations pour lesquelles le montant de la soulte reçue par le contribuable n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus et qu'en revanche, lorsque la soulte reçue excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus, la totalité de la plus-value réalisée à l'occasion de l'opération d'apport concernée est immédiatement imposable ».
" Toutefois, l'administration a toujours la possibilité, dans le cadre de la procédure de l'abus de droit fiscal, prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, notamment d'imposer la soulte reçue, s'il s'avère que cette opération ne présente pas d'intérêt économique pour la société bénéficiaire de l'apport, et est uniquement motivée par la volonté de l'apporteur d'appréhender une somme d'argent en franchise immédiate d'impôt et d'échapper ainsi notamment à l'imposition de distributions du fait de ce désinvestissement ".
Dispositions du 1 de l'article 8 de la directive du 19 octobre 2009 : " L'attribution, à l'occasion (...) d'un échange d'actions, de titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire ou acquérante à un associé de la société apporteuse ou acquise, en échange de titres représentatifs du capital social de cette dernière société, ne doit, par elle-même, entraîner aucune imposition sur le revenu, les bénéfices ou les plus-values de cet associé. (...) ".
Article 15 de la même directive : " Un Etat membre peut refuser d'appliquer tout ou partie des dispositions des articles 4 à 14 ou d'en retirer le bénéfice lorsqu'une des opérations visées à l'article 1er : / a) a comme objectif ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscale (...) ".
Il résulte des dispositions de ce dernier article, telles qu'interprétées par la CJUE (Cour de Justice de l'Union Européenne), notamment dans son arrêt du 17 juillet 1997, Leur-Bloem (aff. 28/95), que les Etats membres peuvent refuser aux opérations d'échange de titres les avantages fiscaux prévus par cette directive « lorsque de telles opérations ont comme objectif principal la fraude ou l'évasion fiscales, et qu'ils peuvent, à cette fin, prévoir que la circonstance que de telles opérations n'ont pas été effectuées pour des motifs économiques valables constitue une présomption de fraude ou d'évasion fiscales… »
Il résulte de ce tout ce qui précède que M. et Mme A. ne sont pas fondés à demander l'annulation des commentaires qu'ils attaquent.
Décide :
Article 1er : La requête de M. et Mme A. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B. et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Commentaire de LégiFiscal
Les apports de droits sociaux à une société holding sont fréquents.
Des contribuables y ont vu la possibilité de retirer des liquidités sans taxation avec l’opération d’apport avec soulte.
La possibilité pour l'administration fiscale, « sous le contrôle du juge de l'impôt », lorsqu'une opération d'échange de titres ne présente pas d'intérêt économique pour la société bénéficiaire de l'apport et qu’elle est motivée par la seule volonté de l'apporteur d'échapper à l'impôt, de refuser au contribuable, à concurrence du montant de la soulte reçue à l'occasion d'une opération d'échange de titre, le bénéfice du report d'imposition prévu par l'article 150 0 B ter du code général des impôts.
Le CE confirme la légalité de la doctrine administrative en se référant à la jurisprudence de la CJUE
CE N° 440527 8ème chambre 9 novembre 2020