Contexte de l'affaire
Décédé à 95 ans sans charges de famille, et sans héritiers légaux, M.Z avait désigné par testament, comme légataire universel Mme B, avec laquelle il n’avait aucun lien de parenté.
11 jours avant son décès il retire10 000 euros de son compte bancaire.
La somme excède ses besoins habituels, et la somme, au vu de ses comptes bancaires, n’a fait l’objet d’aucun emploi, et ne correspond à aucun paiement de charges.
A noter qu’il était hospitalisé lors du retrait et jusqu’à son décès. Il n’a donc pas pu dépenser personnellement la somme en espèces dans divers commerces.
Jusqu’à ce qu’il rentre à l’hôpital, M.Z résidait à titre gratuit chez Mme B.
Par une proposition de rectification, l’administration fiscale a procédé à un rappel de droits de mutation à titre gratuit.
L’administration fiscale se réfère à l’article 750 ter du CGI (Code Général des Impôts) : «'Sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit :
1° Les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d’intérêts, biens ou droits composant un trust défini à l’article 792-0 bis et produits qui y sont capitalisés, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu’elles soient, lorsque le donateur ou le défunt a son domicile fiscal en France au sens de l’article 4B;
2° Les biens meubles et immeubles, que ces derniers soient possédés directement ou indirectement, situés en France, et notamment les fonds publics français, parts d’intérêts, biens ou droits composant un trust défini à l’article 792-0 bis et produits qui y sont capitalisés, créances et valeurs mobilières françaises, lorsque le donateur ou le défunt n’a pas son domicile fiscal en France au sens de l’article précité.
(…)'»
Et elle réintègre à l’actif successoral la somme de 10 000 €, ainsi que d’un actif d’une valeur de 17 902 € au titre de créances détenues par le défunt sur Mme B.
Puis elle procède à une nouvelle liquidation de l’abattement légal sur les mutations à titre gratuit entre non-parent.
S’en suit un rappel de 20 481 €, et des intérêts de retard.
Mme B a adressé aux services fiscaux une demande rejetée de remise gracieuse des intérêts de retard, puis une réclamation contentieuse également rejetée.
Mme B assigne l’Etat
Par jugement le tribunal dit que la somme de 10 000 € retirée, et les créances n’ont pas à être réintégrées dans l’actif successoral de M. Z
L’Etat a interjeté appel de ce jugement
Pour réintégrer à l’actif successoral des espèces retirées d’un compte bancaire du défunt, il appartient à l’administration fiscale d’apporter la preuve de la conservation par le défunt des espèces retirées avant son décès.
Les retraits ainsi réalisés sont taxables aux droits de succession si l’administration fiscale prouve que l'argent a été conservé par l’intéressé. La preuve résulte généralement d'un faisceau d'indices.
M. Z effectuait régulièrement des retraits de l’ordre de 700 € à 1000 ou 1500 €. Et à titre exceptionnel avant le retrait litigieux, deux retraits pour un montant total de 1650 €. Donc Il est ainsi démontré que le retrait litigieux de 10 000 € excédait les habitudes de retraits de l’intéressé.
L’administration réintègre donc ces sommes dans l’actif successoral et les impose aux droits de succession.
Pour la cour d’appel, infirmant le jugement rendu en première instance, le fisc a valablement démontré, au moyen d’un faisceau d’indices sérieux et concordants, le maintien des fonds dans le patrimoine du défunt.
Par ces motifs :
La cour ;
Statuant à nouveau,
Dit que la somme de 10 000 € retirée le 15 décembre 2011 doit être réintégrée dans l’actif successoral de M. Z.
Commentaire de LégiFiscal
Les retraits réalisés sur le compte du défunt avant son décès, sont taxables aux droits de succession si l’administration fiscale prouve que l'argent a été conservé par l’intéressé. Cette démonstration résulte généralement d'un faisceau d'indices.
L’importance du retrait, auquel s’ajoute l’absence d’utilisation des fonds pour payer des charges, tout cela amène l’administration fiscale à considérer que l’argent a été conservé par le défunt jusqu’à son décès.
Se basant sur l’article 750 ter du CGI, l’administration réintègre donc ces sommes dans l’actif successoral et les impose aux droits de succession.
CA Rennes 19-1-2021 n° 19/00431