Pas de requalification d'une vente en donation, car pas dépouillement irrévocable

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Patrimoine Immobilier Nouveauté

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Contexte de l'affaire

Mme. R a fait l’acquisition, le 17 avril 2009, d’un appartement au prix de 800 000 euros, et, le 17 décembre 2009, d’un box-garage, au prix de 15 000 euros. Elle les a financés au moyen de fonds prêtés par son compagnon, M. I, alors marié à Mme F, qui a souscrit un emprunt bancaire avec son épouse.

Mme. R lui établit une reconnaissance de dette le même jour.

Mme. R épouse M. I entretemps le 7 juin 2010. 

Le 17 septembre 2010, Mme R a remboursé à M I, la somme de 429 725 euros, après avoir perçu le prix de la vente d’un appartement. 

Le 18 décembre 2010, elle a fait donation à son époux de la moitié indivise, évaluée à 407 500 euros, des biens immobiliers acquis. 

Le 23 juin 2011, l’administration fiscale a adressé à Mme R une proposition de rectification et requalifie l’acquisition du 17 avril 2009 en donation indirecte en raison de son financement.

Contestant avoir bénéficié d’une libéralité consentie par M. I, Mme. R, assigne l’administration fiscale.

Mme. R s’est pourvue en Cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui a rejeté sa demande.

Elle reproche à la Cour d’appel qui a jugé qu’elle a bénéficié d’une donation indirecte au travers de l’acte d’acquisition.

Pour elle :

  • Une donation indirecte entre vifs est conditionnée par le dessaisissement immédiat et irrévocable du donateur en faveur du donataire, l’intention libérale du donateur et l’acceptation de la donation par le donataire.
  • Une reconnaissance de dette et un remboursement partiel effectif et spontané doivent faire échec à la requalification en donation.

Pour l’administration cet acte constitue une donation indirecte en ce que le prix avait été payé, non par Mme. R, mais par M. I qui avait ainsi fait donation du bien à l’acquéreur.

Réponse de la Cour

Vu l’article 894 du code civil :

 « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte ».

La requalification de l’acte en donation suppose que soient réunies les trois conditions.

Mme. R avait bien l’intention de respecter son engagement de remboursement. M. I n’avait pas d’intention libérale.

« La donation intervenue au profit de M. I de la moitié indivise de l’appartement ne pouvait être considérée comme une modalité de remboursement du prêt en ce que la volonté libérale de Mme. R à l’égard de M. I, devenu son époux, y était expressément mentionnée. »

Mme. R conteste l’intention libérale de M. I de se dépouiller irrévocablement en sa faveur :

  • L’existence de la reconnaissance de dette signée par elle devant notaire à hauteur des fonds avancés par M. I
  • Le testament olographe remis pour être enregistré au fichier des dispositions de dernières volontés dans lequel elle indique avoir acquis l’appartement grâce au prêt de M. I, que le prêt était remboursé avec la somme de 429 725 euros et qu’elle lui avait donné la moitié indivise de l’appartement, à hauteur d’une valeur de 407 500 euros.

Par ces motifs, la Cour :

Casse et annule, sauf en ce qu’il confirme le jugement en ce qu’il disait que la procédure de rectification suivie par l’administration fiscale était régulière, l’arrêt rendu le 31 octobre 2017, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée.

Cour de cassation du , arrêt n°Arrêt de la Cour de cassation du 14 avr. 2021, n° 18-15.623.

Commentaire de LégiFiscal

Pour la Cour de cassation, une reconnaissance de dette et un remboursement partiel effectif font échec à la requalification d’une vente immobilière en donation.

La requalification d’un acte en donation suppose trois conditions réunies, à savoir l’intention libérale du donateur, son dépouillement irrévocable et l’acceptation par le donataire.

C’est sur le fondement de l’article 894 du Code Civil, que la Cour de cassation vient de censurer l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait jugé que les conditions d’une donation étaient réunies.