Contexte de l'affaire
A la suite du décès de leur tante survenu le 18 décembre 2010, MM. A. et G. E L. ont, chacun pour partie, hérité d'une propriété, comprenant un château, entouré d'un vaste parc et de dépendances,
Le château a fait l'objet d'inscriptions à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques par deux arrêtés (en 1981 et 1993).
Le ministre de l’Action et des comptes publics a refusé d'accorder à M. A l'agrément préalable à l'obtention duquel est subordonné le bénéfice de l'exonération des DMTG (Droits de Mutation à Titre Gratuit) prévue par l'article 795 A du CGI (Code Général des Impôts).
Les motifs en sont :
- Le dépôt de la déclaration de succession faisant mention de l'exonération était tardif
- Le document n'était pas accompagné du projet de convention
- Et le projet transmis au service n'était ni daté ni signé.
M A a saisi la juridiction administrative afin de faire annuler, pour excès de pouvoir, cette décision et d’enjoindre au ministre de l’Action et des comptes publics de lui délivrer l’agrément sollicité.
Par un jugement du 2 octobre 2019, le TA (Tribunal Administratif) de Lille a fait droit à la demande de M.A.
Le ministre de l’Action et des comptes publics relève appel du jugement
Article 795 A du CGI, dans sa rédaction alors applicable : " Sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit les biens immeubles par nature ou par destination qui sont, pour l'essentiel, classés ou inscrits sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, ainsi que les biens meubles qui en constituent le complément historique ou artistique, dès lors que les héritiers, les donataires ou les légataires ont souscrit avec les ministres chargés de la culture et des finances une convention à durée indéterminée prévoyant le maintien dans l'immeuble des meubles exonérés et leurs conditions de présentation, les modalités d'accès du public ainsi que les conditions d'entretien des biens exonérés, conformément à des dispositions types approuvées par décret. / (...) ".
Pour bénéficier de l'exonération des droits de mutation prévue par l'article 795 A du CGI, le contribuable doit remettre au service des impôts, une copie de la demande de convention ou d'adhésion à une convention existante, certifiée par le service du département de la culture compétent, telle que mentionnée à l'article 281 bis de l'annexe III au même code (remise dans le délai de six mois à compter du jour du décès).
Toutefois, il ne résulte d'aucune disposition du CGI, que le dépôt de la déclaration de succession au-delà du délai, ferait obstacle au bénéfice de l'exonération des droits de mutation prévue à l'article 795 A de ce code.
Dans ces conditions, et ainsi que l'a jugé le TA, en refusant de faire droit à la demande d'agrément, au motif qu'il n'avait pas remis la déclaration de succession, dans le délai de six mois, prévu à l'article 641 du CGI, le ministre de l'action et des comptes publics a commis une erreur de droit.
Les circonstances, mentionnées à titre surabondant :
- La déclaration de succession n'était pas accompagnée du projet de convention
- L'absence de signature du projet de convention transmis ensuite
Ces circonstances ne sont pas de nature, à elles seules, à justifier le refus du bénéfice du régime d'exonération prévu par l'article 795 A du CGI, alors au demeurant qu'aucun motif tiré de ce que les conditions de fond requises par ces dispositions pour bénéficier de l'exonération n'a été opposé par l'administration.
Pour le ministre de l'action et des comptes publics, la décision est légalement justifiée par un autre motif : l'absence d'accomplissement de la formalité requise. Les documents ne furent pas envoyés au bon service.
Pour M.A il y a obligation pour une administration incompétemment saisie de transmettre la demande au service compétent pour en connaître, et à qui il incombait de certifier le projet de convention qui lui était soumis.
Dans ces conditions, la formalité exigée par les dispositions du CGI, ne peut être tenue pour accomplie.
Pour autant, la remis au service des impôts compétent d’une copie de la demande de convention ou d'adhésion à une convention existante, certifiée par le service du département de la culture compétent, n'imposent pas cette formalité à peine de déchéance du droit au bénéfice de ce régime d'exonération.
Cela prévoit qu'à défaut de dépôt de la convention conclue dans le délai imparti, les droits dont le paiement a été différé sont exigibles dans les conditions de droit commun.
Au demeurant, ne pourraient avoir pour objet, ni pour effet, de priver un contribuable, qui n'aurait pas remis au service des impôts compétent, dans le délai prévu, la copie de la demande de convention certifiée par la direction régionale des affaires culturelles, du bénéfice d'un régime d'exonération instauré par la loi.
Dès lors, la demande de substitution de motif formée par le ministre ne peut être admise.
Décide :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... d'Espinay Saint-Luc, représenté par Mme d'Espinay Saint-Luc, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
(…)
Arrêt de la CAA de DOUAI du 16 septembre 2021, n°19DA02608
Commentaire de LégiFiscal
Pour la juridiction administrative, il ne résulte d’aucune disposition qui prévoit, que le dépôt de la déclaration de succession au-delà du délai fixé par l’article 641 du CGI ferait obstacle au bénéfice de l’exonération des droits de mutation au titre des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques (Art. 795 A du CGI).
Lire aussi : Article 641 - Code général des impôts - Légifrance
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006305176/
Lire aussi : Article 795 A - Code général des impôts - Légifrance
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037990672/2019-01-01
Pour l’article 641 du CGI, le délai pour souscrire la déclaration de succession est de six mois, à compter du jour du décès, (décès en France métropolitaine).
L’article 795 A du CGI exonère de DMTG droits « les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques et les meubles qui en constituent le complément historique ou artistique, que ces meubles soient ou non protégés au titre des monuments historiques ».
L’article 281 bis de l’annexe III au CGI dispose quant à lui que
Lire aussi : Article 281 bis - Code général des impôts, annexe III - Légifrance
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006299249/2006-01-01
Pour les héritiers qui demandent à bénéficier de l’exonération prévue à l’article 795 A du CGI, ils doivent remettre au service des impôts compétent pour enregistrer la déclaration de succession, dans les délais prévus, une copie de la demande de convention ou d’adhésion à une convention existante, certifiée par le service du département de la culture compétent.