Plus-value sur un PEA et abus de droit selon l’administration fiscale

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Contexte de l'affaire

Le 28 décembre 2004 M. C. a créé, avec M. B. et la société Cavendish filiale du groupe WPP, la société Financière RKW Holding, ayant pour objet l'acquisition et la gestion de titres sociaux.

Le même jour, il cède à cette société des titres de la société KRM, qu'il avait constituée le 7 janvier 2004 avec M. B., et qui exerce l'activité de centrale d'achats d'espaces publicitaires.

Le 28 décembre 2004 M. B. a inscrit sur son PEA (Plan d’épargne en Actions) 925 titres de la société Financière RKW Holding pour la valeur unitaire de 10 euros.

Le 20 juin 2008, M. C. cède à la société Cavendish la totalité de sa participation dans la société Financière RKW Holding.

Suite, à la cession de ces titres (sur le PEA) M. C., M. et Mme C. pensent que la plus-value est exonérée d'impôt en application du 5 bis de l'article 157 du CGI (Code Général des Impôts).

A la suite d'un contrôle fiscal sur pièces, l'administration a remis en cause, sur le fondement de l'article L. 64 du LPF (Livre des Procédures Fiscales), l'exonération au motif :

  • Que la société Financière RKW Holding avait été interposée afin de permettre à M. C.de respecter la condition de la détention directe ou indirecte des droits dans les bénéfices sociaux inférieure ou égale à 25 % (I de l'article 163 quinquies D du CGI)
  • Et que la valeur des titres de la société Financière RKW Holding avait été volontairement minorée pour tenir compte du plafond du PEA (132 000 euros) et bénéficier de l'exonération d'imposition des produits et plus-values.

M et Mme C. ont, en conséquence, été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2008, majorées des intérêts de retard et de pénalités de 80 % pour abus de droit.

L’administration a remis en cause l'exonération à l'occasion de la plus-value sur cession de ces titres le 20 juin 2008, pour une valeur unitaire de 4 109, 32 euros.

M et Mme C. ont demandé au TA (Tribunal Administratif) de Cergy-Pontoise de prononcer, la décharge des compléments d'imposition à l'impôt sur le revenu, contributions sociales et pénalités, auxquels ils ont été assujettis, et de prononcer, à titre subsidiaire, la restitution de la somme de 138 131,12 euros prélevée au titre des contributions sociales à raison d'un retrait du PEA de M. B. réalisé le 31 décembre 2008.

Par jugement du 8 décembre 2015, le TA a rejeté, la demande.


Par un arrêt n° 16VE00384 du 29 novembre 2018, la CAA (Cour Administrative d'Appel) de Versailles a rejeté l'appel formé par M. et Mme C. contre ce jugement.

Ils se pourvoient en cassation, au Conseil d'Etat.

Article 157 du CGI : " N'entrent pas en compte pour la détermination du revenu net global : / (...) 5° bis Les produits et plus-values que procurent les placements effectués dans le cadre du plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D (...) ".

Article 163 quinquies D

II (...) 3. Le titulaire du plan, son conjoint et leurs ascendants et descendants ne doivent pas, pendant la durée du plan, détenir ensemble, directement ou indirectement, plus de 25 p. 100 des droits dans les bénéfices de sociétés dont les titres figurent au plan ou avoir détenu cette participation à un moment quelconque au cours des cinq années précédant l'acquisition de ces titres dans le cadre du plan ".

Lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère l’article L 64 du LPF et que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes dès lors que « ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. »

- Pour écarter l'argumentation des requérants de ce « que la société Financière RKW Holding avait une réalité économique et que sa constitution avait pour objectif d'associer le groupe WPP au développement de la société KRM tout en préservant l'indépendance de cette dernière », la cour s'est fondée sur le fait que les contribuables ne démontraient pas la nécessité de l'interposition de la société Financière RKW Holding. 

 En exigeant que les requérants justifient de ce que l'architecture d'ensemble mise en place était, la « seule possible » pour atteindre l'objectif économique poursuivi, la cour a commis une erreur de droit :

- Sur le motif de la minoration volontaire de la valeur des titres de la société Financière RKW Holding afin d'assurer le respect du plafond du PEA.

La Cour n’a pas pris en compte le risque résultant du contentieux judiciaire opposant l'ancien employeur de M. C., à la société KRM, sans évaluer le risque d'une condamnation de la société KRM et les conséquences.

Il résulte que M. et Mme C. sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent

Décide :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 29 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


ECLI:FR:CECHR:2020:429393.20200619

Cour de cassation du , pourvoi n°ECLI:FR:CECHR:2020:429393.20200619

Commentaire de LégiFiscal

Deux points n’ont pas été pris en comptes par la Cour :

Sur l'argumentation des requérants de ce « que la société Financière RKW Holding avait une réalité économique », la cour s'est fondée sur le fait que les contribuables ne démontraient pas la nécessité de l'interposition de la société Financière RKW Holding.

En demandant la justification qu’il n’y avait pas d’autres solutions pour atteindre l'objectif économique poursuivi, la cour a commis une erreur de droit.
Sur le motif de la minoration volontaire de la valeur des titres de la société Financière RKW Holding afin d'assurer le respect du plafond du PEA.

La Cour n’a pas pris en compte le risque résultant du contentieux judiciaire opposant l'ancien employeur de M. C., à la société KRM, sans évaluer le risque d'une condamnation de la société KRM et les conséquences.