Apport-cession : le nantissement de sommes caractérise-t-il un réinvestissement ?

Jurisprudence
Fiscalité Impôt sur le revenu - IRPP

Publié le
Télécharger en PDF

Contexte de l'affaire

M. A et son fils ont apporté à la société PPE, dont M. A. était l'unique associé, les parts qu'ils détenaient dans la société PPC.

En rémunération de ces apports, les deux reçoivent, des parts de la société PPE.

A l’occasion de ces apports, les plus-values réalisées ont bénéficié du régime de sursis d’imposition prévu par l’article 150-0 B du CGI (Code Général des Impôts).

Le 28 juillet 2009, la société PPE a cédé à la société S les titres de la société PPC que lui avait apportés M.A.

L’administration fiscale a mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit (article L. 64 du LPF Livre des Procédures Fiscales) pour remettre en cause le bénéfice du sursis d’imposition.

Elle y voit une opération ayant pour objet d’interposer une autre opération dans d’apport donnant suite à cession de titres, sans imposition de la plus-value en résultant.

M. A demande au TA (Tribunal Administratif) de Lyon la décharge de ces impositions supplémentaires, ainsi que des pénalités correspondantes.

Le TA a rejeté la demande.

En appel, la CAA (Cour Administrative d'Appel) de Lyon a annulé le jugement et prononcé la décharge des impositions en litige.

Le ministre de l’Économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation en Conseil d'Etat.

Le Conseil d’Etat vient de donner raison au Ministre.

En l’espèce, 90% du produit de la cession, par la société PPE, des parts de la société PPC que lui avait apportées M. A a été placé sur des comptes à terme.

La société PPE a :

  • Procédé au nantissement d’un compte à terme pour couvrir une garantie de passif dont était assortie la cession des titres de la société PPC à la société S3C,
  • Procédé à un autre nantissement de comptes pour garantir un emprunt bancaire pour financer des projets d’investissement à caractère économique et elle a consacré une somme à l’autofinancement de ses projets d’investissement dans des activités

En l'absence de réinvestissement à caractère économique, une telle opération doit, en principe, être regardée comme poursuivant un but exclusivement fiscal.

La cour administrative d'appel a jugé que l'utilisation ainsi faite par la société PPE du produit disponible de la cession devait être regardée comme caractérisant un réinvestissement à caractère économique portant sur une fraction évaluée à 37% de ce produit. Le réinvestissement suffisait à écarter la qualification d'abus de droit.

Pour le Conseil d’Etat dans le cadre d’une opération d’apport-cession, le nantissement de sommes en vue de couvrir une garantie de passif, consentie au profit de la société cessionnaire des parts qui lui avaient été apportées, et qui, « ayant pour seul objet de couvrir une éventuelle obligation future de restitution d’une partie du prix de cession, était insusceptible de caractériser un réinvestissement. »



Le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

Décide :
Article 1er : L'arrêt du 9 juillet 2020 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Cour de cassation du , pourvoi n°ECLI:FR:CECHR:2021:442711.20210528

Commentaire de LégiFiscal

Le nantissement rendant les sommes indisponibles à tout autre usage, comme ici pour garantir des emprunts bancaires liés à la réalisation d’investissements dans une activité économique. Ceci devait être regardé comme un réinvestissement à caractère économique.

Le nantissement de sommes en vue de couvrir une garantie de passif, avec pour seul objet de couvrir une éventuelle obligation future de restitution d’une partie du prix de cession, était insusceptible de caractériser un réinvestissement.

Pour le législateur, dans ce cadre d’une opération le processus du « sursis d’imposition répond à l’objectif économique lorsque le produit de la cession faisait l’objet, pour une part significative et à bref délai, d’un réinvestissement à caractère économique par cette société ». 

En revanche, en l’absence de réinvestissement à caractère économique, une telle opération devait, en principe, être regardée comme poursuivant un but exclusivement fiscal.