Contexte de l'affaire
Faisant suite au décès de Mme L. G. en 2014, l'administration fiscale a adressé à la succession un avis d'ISF (Impôt de Solidarité sur la Fortune) au titre de l'année 2015, faisant état d'une base d'imposition de plus de deux millions d'euros, et réclamant le paiement de 8 273 euros.
L’administration a opposé un refus de communication sur les déclarations et justificatifs fiscaux
Le petit-fils et arrière-petit-fils de la défunte, faisaient valoir devant le TA (Tribunal Administratif), qu'ils avaient réglé cette somme à concurrence de leurs quotes-parts dans la succession, et ils demandent communication des éléments retenus par l'administration, qui leur semblait avoir inclus dans la base d'imposition la valeur de contrats d'assurance vie que Mme L. G. avait souscrits au bénéfice de leur tante et grand-tante, Mme H. G., ou des enfants de celle-ci.
Pour le TA :
Il a jugé que l'article L. 103 du livre des procédures fiscales faisait obstacle à la communication des documents demandés, détenus par l'administration fiscale,
Il s'est fondé sur le fait que les requérants n'étaient pas débiteurs solidaires de l'impôt de solidarité sur la fortune mis à la charge de la succession.
Le TA n’a pas recherché si les documents demandés étaient utiles aux héritiers pour l'exercice de leurs droits concernant une imposition dont ils avaient assumé la charge.
L'administration fiscale a refusé de leur communiquer les déclarations et justificatifs fiscaux concernant l'encaissement des sommes versées au titre de contrats d'assurance vie, les déclarations fiscales complémentaires et rectificatives émises, les justificatifs de prélèvement de 20 %, les attestations sur l'honneur établies par les bénéficiaires en application de l'article 990-I du code général des impôts et les justificatifs du versement des droits.
Par jugement le TA a rejeté leur demande.
Ils se sont pourvus en cassation.
L'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Ne sont pas communicables : (...) / 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (...) h) Ou, sous réserve de l'article L. 124-4 du code de l'environnement, aux autres secrets protégés par la loi ". Au nombre des secrets protégés par la loi figure le secret professionnel auquel l'article L. 103 du livre des procédures fiscales soumet les personnes appelées, à l'occasion de leurs fonctions ou attributions, à intervenir dans la détermination de l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts pour toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations.
Article L. 311-6 du même code : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée (...) ".
« Le secret professionnel (…) n'est pas opposable au débiteur solidaire de l'impôt, dans la mesure où les pièces couvertes par le secret sont utiles à l'exercice de son droit de réclamation, dans la limite de la solidarité prononcée à son encontre.
De même, Il ne fait pas obstacle à la communication aux héritiers tenus au paiement d'une dette fiscale de la succession, pour les documents sur lesquels l'administration fiscale s'est fondée pour établir l'imposition à la charge de la succession, dans la mesure où ils sont utiles à l'exercice de leurs droits, y compris lorsque plusieurs personnes sont intéressées par les mêmes documents.
Décide :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 24 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Pau.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à MM. S... de T... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
(…)
Commentaire de LégiFiscal
Pour le Conseil d’Etat, avant d’opposer le secret fiscal, il convient de rechercher si les documents que les héritiers demandent leurs étaient utiles pour exercer leurs droits concernant cette imposition dont ils ont, pour partie assumé la charge.
Pour le Conseil d’Etat le secret professionnel institué par l’article L. 103 du LPF n’est pas opposable au débiteur solidaire de l’impôt, dans la mesure où les pièces couvertes par le secret sont utiles à l’exercice de son droit de réclamation, dans la limite de la solidarité prononcée à son encontre
De même dans le cas où les héritiers tenus au paiement d’une dette fiscale de la succession, pour des documents administratifs sur lesquels l’administration fiscale s’est fondée pour établir l’imposition mise à la charge de la succession.