L'apport en société pour trente ans d'un usufruit viager préconstitué et imposition des plus-values, résultant de la première cession à titre onéreux

Jurisprudence
Fiscalité Impôt sur le revenu - IRPP Nouveauté

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Contexte de l'affaire

M. A. C. a consenti à sa fille, Mme I. C., une donation-partage portant sur l'usufruit viager de 36 parts sociales de la SNC (Société en Nom Collectif) C. et Cie.

Par un acte du 2 décembre 2013, Mme C. a convenu, avec M. C., de constituer la SAS (Société par Actions Simplifiée) Origan et d'apporter à cette société, pour une durée de 30 ans, l'usufruit des 36 parts sociales de la société C. et Cie qu'elle détenait, dont la valeur totale a été estimée à 1 248 000 euros.

En rémunération de cet apport, Mme C. a reçu la pleine propriété de 12 480 actions (100 € chacune) de la société Origan ;

Elle dispose ainsi de 99,84 % de son capital.

A l'issue d'un contrôle sur pièces, Mme C. a été assujettie, à raison du 1° du 5 de l'article 13 du CGI (Code Général des Impôts), dans la catégorie des BIC (Bénéfices Industriels et Commerciaux), à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à raison de la somme reçue en contrepartie de l'apport consenti à la société Origan.

Mme I. C. a demandé au TA (Tribunal Administratif) de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires, contribution sur les hauts revenus, et pénalités.

Le TA a rejeté sa demande.

La CAA (Cour Administrative d'Appel de Paris) par un arrêt n° 20PA01257 du 5 octobre 2021, a, sur appel de Mme C., annulé ce jugement, prononcé la décharge des impositions et pénalités et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par un pourvoi, le ministre de l’Économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1 et 2 de cet arrêt.

Article 617 du code civil : " L'usufruit s'éteint : Par la mort de l'usufruitier / Par l'expiration du temps pour lequel il a été accordé (...) ".

Article 619 du même code : " L'usufruit qui n'est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans ".

1° du 5 de l'article 13 du CGI : " Pour l'application du 3 et par dérogation aux dispositions du présent code relatives à l'imposition des plus-values, le produit résultant de la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire ou, si elle est supérieure, la valeur vénale de cet usufruit temporaire est imposable au nom du cédant, personne physique ou société ou groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré ou susceptible d'être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l'usufruit temporaire cédé (...) ".


En jugeant que l'apport pour une durée contractuellement fixée à trente ans, de l'usufruit dont Mme C. était titulaire à titre viager sur les parts de la société C. et Cie n'avait pas la nature d'une cession d'usufruit temporaire, la CAA de Paris a méconnu ces dispositions.

Le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé en l’espèce, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

Il résulte donc que l’apport consenti par Mme C., pour une durée de trente ans, de l'usufruit dont celle-ci était titulaire sur les parts de la société C. et Cie constituait une cession d'usufruit temporaire au sens du 1° du 5 de l'article 13 du code général des impôts.

Il s'ensuit, que cette société était soumise au régime fiscal des sociétés de personnes et exerçait une activité de nature industrielle et commerciale, que la rémunération de cet apport était, en application de ces dispositions, taxable entre les mains de Mme C. dans la catégorie des BIC.

La requête de Mme C. ne peut qu'être rejetée.


Décide :
Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt du 5 octobre 2021 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.
Article 2 : La requête de Mme C... et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
(…)

Cour de cassation du , pourvoi n°: Arrêt du Conseil d’Etat du 31 mars 2022, n°458518

Commentaire de LégiFiscal

En l’espèce, deux points interfèrent : la qualification d’usufruit temporaire et l’imposition qui en découle.

Ici la cession de l’usufruit est pour une durée de trente ans, et une personne bénéficiant d'un usufruit viager ne peut pas le céder à une personne morale pour une durée supérieure à trente ans.    

Cela constitue une cession d'usufruit temporaire au sens du 1° du 5 de l'article 13 du code général des impôts.

L’imposition sur la somme reçue en échange de l'apport regardé comme la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire sur le fondement du 1° du 5 de l'article 13 du code général des impôts.