CJUE : cumul de sanctions pénales et fiscales

Jurisprudence
Impôt sur le revenu - IRPP

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Contexte de l'affaire

La Cour de justice de l’Union européenne s’est récemment prononcée dans le cadre d’une question préjudicielle sur la conformité du cumul des sanctions pénales et fiscales en cas de dissimulation de sommes sujettes à l’impôt, applicable en France (Affaire C6570/20, arrêt CJUE du 5 mai 2022).

Cumul des sanctions : législation française

Selon l’article 1729 du CGI, les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt entraînent l’application d’une majoration de 40% en cas de manquement délibéré.

L’article 1741 du CGI prévoit que quiconque s’est frauduleusement soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d’une amende de 37.500 euros et d’un emprisonnement de 5 ans.

Lors de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel (n°2018-745 QPC) français a déclaré que le cumul de poursuites et de sanctions pénales et fiscales en cas de dissimulation de sommes sujettes à l’impôt, tel qu’il résulte des articles 1729 et 1741 du CGI était conforme aux principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines.

Les faits

Dans le cadre d’une affaire jugée en France, un expert-comptable a volontairement minoré la TVA et l’impôt sur le revenu dû. Le tribunal correctionnel d’Annecy le condamne à 12 mois d’emprisonnement. L’expert-comptable interjette appel au motif qu’il avait déjà fait l’objet d’un redressement fiscal intégrant la majoration de 40%. Il estime que ce cumul de sanctions s’oppose à l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La Cour d’appel de Chambéry rejette l’appel. La Cour de cassation décide de surseoir à statuer afin de poser à la CJUE une question préjudicielle.

La décision de la CJUE

Dans son arrêt rendu le 5 mai 2022, la CJUE estime que l’article 50 de la Charte ne s’oppose pas au cumul des sanctions pénales et fiscales. En revanche, la législation nationale permettant ce cumul doit dans ce cas assurer des règles précises conduisant à ce que les sanctions infligées n’excèdent pas la gravité de l’infraction constatée.

Extrait Affaire C6570/20, arrêt CJUE du 5 mai 2022 §55

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions préjudicielles que le droit fondamental garanti à l’article 50 de la Charte, lu en combinaison avec l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la limitation du cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale en cas de dissimulations frauduleuses ou d’omissions déclaratives en matière de TVA prévu par une réglementation nationale aux cas les plus graves ne résulte que d’une jurisprudence établie interprétant, de manière restrictive, les dispositions légales définissant les conditions d’application de ce cumul, à la condition qu’il soit raisonnablement prévisible, au moment où l’infraction est commise, que celle-ci est susceptible de faire l’objet d’un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale, mais qu’ils’oppose à une réglementation nationale qui n’assure pas, dans les cas du cumul d’une sanction pécuniaire et d’une peine privative de liberté, par des règles claires et précises, le cas échéant telles qu’interprétées par les juridictions nationales, que l’ensemble des sanctions infligées n’excède pas la gravité de l’infraction constatée.

Source : Affaire C6570/20, arrêt CJUE du 5 mai 2022

Cour de cassation du

Commentaire de LégiFiscal

Le cumul de sanction pénale et fiscale en cas de manœuvre frauduleuse conduisant à réduire son imposition est conforme à la législation européenne à condition que la législation nationale le permettant garantisse que la sanction infligée n’excède pas la gravité de l’infraction.