Bénéfice de l'abattement pour handicap, et conditions qui s'apprécient au jour de l'ouverture de la succession

Jurisprudence
Fiscalité Succession Nouveauté

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Contexte de l'affaire

En sa qualité d'héritière de Mme C U, décédée le 6 septembre 2014, Mme J U (gouvernante dans un établissement hôtelier) a perçu, 1/6ème en pleine propriété de l'actif net successoral de cette dernière, soit une part taxable de 233.313,25 €, avec des droits de succession à hauteur de 139.031 €.

Considérant qu'elle pouvait bénéficier de l'abattement prévu à l'article 779 II duCGI (Code Général des Impôts), elle a adressé, le 4 octobre 2017, une réclamation auprès de l'administration fiscale, sollicitant une réduction des droits de succession et la restitution du trop-perçu.

Le 6 octobre 2017, le notaire chargé de la succession a adressé une déclaration de succession rectificative faisant application de l'abattement.

Le 2 mai 2018, l'administration fiscale a rejeté son recours.

Mme J U a fait assigner l'administration fiscale devant le TGI (Tribunal de Grande Instance) de Paris.

Le jugement prononcé le 5 novembre 2020 déboute Mme J U de sa demande de décharge.

Elle a fait appel de la décision.

Le bénéfice de l'abattement ne résulte pas du seul handicap mais prennent en compte des considérations économiques liées à l'incapacité des intéressés de travailler dans des «conditions normales de rentabilité ».

Article 779 II du CGI : « Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 159 325 € sur la part de tout héritier, légataire ou donataire, incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d'une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise (...). »

Pour l'administration fiscale, la déclaration de succession initiale datée du 24 février 2015 et déposée ne faisait pas état de l'abattement prévu à l'article 779 II du CGI.

La demande est présentée ultérieurement et elle est rejetée.

C’est à Mme U de prouver que l'imposition au vu de sa déclaration initiale présente un caractère exagéré. Elle doit prouver qu’à la date du décès de Mme C U , elle était éligible à l'abattement prévu.

Compte tenu des éléments suivants:

  • Compte rendu médical d’un spécialiste en neurologie daté du 26 octobre 2012.
  • Attestations des collègues de travail, faisant état de sa fatigue à compter de l'année 2012.
  • Au 6 septembre 2014, Mme U exerçait toujours son emploi sans aucune baisse de rémunération.
  • Elle a cessé son activité professionnelle à compter du 11 février 2015 et « a été déclarée invalide en février 2016, étant victime d'une sclérose en plaques primaire progressive diagnostiquée en 2014 avec manifestations 'sans doute antérieures' selon le certificat médical ».

Au jour du décès de Mme C U, Mme J U était déjà atteinte des premiers symptômes de la sclérose en plaque. Par ailleurs, elle poursuivait son activité professionnelle « dans des conditions normales de rentabilité ».

Elle ne se trouvait donc pas éligible à l'abattement.

Par ces motifs :

Pourvoi N° - 27 juin 2022 CONFIRME le jugement déféré ;

REJETTE toutes autres demandes

CONDAMNE Mme J U aux dépens

La Cour d'Appel de Paris rejette la requête de Mme JU.

Cour de cassation du , pourvoi n°ARRÊT DE LA COUR D'APPEL DE PARIS DU 27 JUIN 2022 RG N° 20/17676

Commentaire de LégiFiscal

Pour la Cour, les conditions d'application de l'abattement à l'article 779 du CGI doivent être appréciées au jour de l'ouverture de la succession. 

Le bénéfice de l'abattement suppose l'existence d'une infirmité empêchant le travail dans des conditions normales de rentabilité.

Pour la Cour, Mme J U a omis de se prévaloir de l'abattement dans la déclaration de succession. Il lui appartenait de prouver qu'à la date du décès de Mme C U, elle était éligible à l'abattement.

Un suivi en neurologie depuis 2012 ne permet pas d'établir qu'elle a été « incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité » à compter de cette date.