Contexte de l'affaire
Dans une décision rendue fin décembre 2022, le Conseil d’État s’est prononcé sur l’éligibilité à l’abattement retraite sur les plus-values de cession de titres réalisées par une personne bénéficiant d’une délégation de pouvoir (Conseil d’État, n°465669, 21 décembre 2022).
L’abattement retraite
Les plus-values de cessions de titre sont imposables à l’impôt sur le revenu soit au taux forfaitaire de 12,8% (30% en intégrant les prélèvements sociaux) soit au barème progressif de l’impôt sur le revenu avec bénéfice d’un abattement pour durée de détention.
L’article 150-0 D ter du CGI prévoit en outre un abattement fixe égal à 500.000 € pour les plus-values de cessions de titres de PME par les dirigeants partant à la retraite. Sont visés par cette disposition, les gérants de SARL nommés conformément aux statuts, mais également les président, DG, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une société par actions. L’abattement s’applique à condition que la rémunération représente plus de la moitié des revenus professionnels du dirigeant partant à la retraite, de manière continue pendant les 5 années précédant la cession.
L’abattement ne visant que les gérants de SARL nommés conformément aux statuts, les gérants de fait et les personnes chargées d’une délégation de pouvoirs de la part du gérant statutaire en sont donc exclus.
Les faits
Dans l’affaire dans laquelle le Conseil d’État a récemment eu à se prononcer, une personne bénéficiant d’une délégation de pouvoir de la part du gérant de SARL est partie à la retraite puis a cédé ses parts. L’administration fiscale lui refuse le bénéfice de l’abattement retraite. Le contribuable estime que la différence de traitement entre gérants de droit et le gérant de fait ou bénéficiant d’une délégation de pouvoir d’un gérant de droit constitue une rupture d’égalité devant la loi fiscale.
Le tribunal administratif de Poitiers (jugement du 19 novembre 2019) et la Cour administrative d’appel de Bordeaux (arrêt du 10 mai 2022) ont rejeté sa demande. Il se pourvoit alors en cassation devant le Conseil d’État.
La décision du Conseil d’État
Dans sa décision rendue le 21 décembre, le Conseil d’État a estimé qu’il n’y avait pas rupture d’égalité devant la loi fiscale et rejette le pourvoi.
Extrait Conseil d’État, n°465669, 21 décembre 2022
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Alors que les gérants d'une société à responsabilité limitée nommés conformément aux statuts sont, ainsi que le prévoient les articles L. 223-18 et L. 223-22 du code de commerce, investis des pouvoirs les plus étendus dans les rapports avec les tiers, que leurs actes engagent cette société et qu'ils supportent personnellement la responsabilité, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à ce type de sociétés, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion, les gérants de fait de telles sociétés, qui n'ont pas été régulièrement nommés et ne peuvent dès lors être regardés comme porteurs des intérêts sociaux de la personne morale, peuvent seulement être tenus responsables des préjudices causés par leur immixtion autonome dans la conduite des affaires de ces sociétés. Et, pour leur part, les personnes disposant de délégations les autorisant à agir au nom du gérant de la société ne bénéficient que d'une capacité limitée, compte tenu du caractère révocable de tels mandats, exercés sous le contrôle du gérant et ne pouvant jamais avoir pour effet de transférer l'intégralité de la responsabilité sociale attachée au dirigeant de droit. Ainsi, seuls les gérants nommés conformément aux statuts assument de manière à la fois licite et entière les responsabilités de direction de la société. Par suite, en réservant à ces derniers l'octroi de l'avantage fiscal en cause, le législateur a institué une différence de traitement qui répond à une différence objective de situation et qui est en rapport direct avec l'objet des dispositions en litige.
Source : Conseil d’État, n°465669, 21 décembre 2022
Commentaire de LégiFiscal
Contrairement aux gérants de droit de SARL, les gérants de faits et les personnes bénéficiant d’une délégation de pouvoir du gérant statutaire ne peuvent bénéficier de l’abattement retraite prévu à l’article 150-0 D ter du CGI applicable aux plus-values de cessions de titres.