Intention spéculative avec les évènements postérieurs à l’acquisition d’un bien et conséquences sur les plus-values

Jurisprudence
Fiscalité Immobilier

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Contexte de l'affaire

A la suite d'un gain à un jeu de hasard, M. C. a fait l'acquisition d'une première parcelle en 2005 avec pour objectif la construction d'une maison individuelle destinée à devenir la résidence principale du couple.

Ce premier projet est abandonné eu égard au coût d'aménagement du terrain 

En 2006, M. C. fait l’acquisition d'une deuxième parcelle, enclavée à la première parcelle.

À la suite de la modification du plan local d'urbanisme, M. et Mme C. ont obtenu, un second permis de construire pour deux maisons individuelles, dont l'une était destinée à devenir leur RP (Résidence Principale).

Ce projet est lui aussi abandonné, pour des raisons de coûts. 

Acquisition, en 2009, d'une troisième parcelle attenante et, construction d'un ensemble immobilier de 18 logements destinés à la location et une maison individuelle destinée à devenir sa RP. 

Avec la crise financière de 2008, M. C. n'a pu obtenir les concours bancaires nécessaires pour ce projet.

Par suite d’un permis d'aménager, il veut créer un lotissement de quatre lots

Trois de ces quatre parcelles ont été vendues, et il conserve un lot en vue d'y édifier sa maison d'habitation.

A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a estimé que M. C. s’est livré à une activité de lotisseur à titre professionnel et que les profits, qu'elle a évalués d’office, devaient être imposés dans la catégorie des BIC (Bénéfices Industriels et Commerciaux) et assujettis à la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée).

Ils sont assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, et des droits de TVA, portant sur la cession de ces trois parcelles.

Ils demandent au TA (Tribunal Administratif) de Lille d'en prononcer la décharge. Le TA rejette leur demande

Les époux C ont fait appel de la décision.


Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. "


« Un particulier est réputé exercer une activité de lotisseur ou de marchand de biens s'il réalise de manière habituelle des opérations immobilières procédant d'une intention spéculative. (…) »

Il est alors passible de l’imposition aux BIC et TVA.

Pour l'intention spéculative, il faut se placer à date de l'acquisition.

Des éléments postérieurs à l’acquisition peuvent néanmoins être pris en compte pour apprécier l'intention du contribuable au moment de l'acquisition.

Avec l'acquisition de ces trois parcelles M.C. ne peut être regardé comme ayant agi avec une intention spéculative. Sa démarche avait un caractère patrimonial avec le projet de construction de sa résidence principale.

Pour la Cour qui juge que les faits ne procèdent pas d'une intention spéculative :

Bien que M. C. n'a pas acquis les parcelles à titre gratuit par donation ou succession, et qu’il ne les a pas exploitées à titre personnel, cela ne suffit pas à écarter l'imposition du produit de la cession dans la catégorie des plus-values des particuliers, sans une intention spéculative.

M.C. a conservé le dernier lot issu de la division avec l'intention d'y faire édifier sa RP.

Son intention spéculative ne peut pas être déduite, du seul souhait de partager ou de diminuer ses propres coûts avec le lot conservé.

M. C. a conservé un lot pour y faire construire, conformément à l'intention qu'il avait initialement, sa résidence principale. 

Cette circonstance ne suffit pas à révéler, une intention spéculative mais s'inscrit dans le cadre d'une gestion patrimoniale.

Il avait pour objet, lors de l'achat de chacun des terrains ayant composé cette parcelle, d'y créer sa RP.

Au demeurant, M. C. n'a engagé aucune démarche de commercialisation active des lots cédés.

M. C. doit être regardé comme apportant la preuve que l'achat des terrains puis la division ne procède pas d'une intention spéculative, au moment de l'acquisition.

DECIDE :
Article 1er : M. et Mme C... sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012.

Article 2 : M. C... est déchargé, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012.
Article 3 : Le jugement n° 1809408, 1809415 du 9 avril 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé.
(…)

Cour de cassation du , arrêt n°ARRÊT DE LA CAA DE DOUAI, 4ÈME CHAMBRE, 26/01/2023, 21DA01240

Commentaire de LégiFiscal

La CAA (Cour Administrative d'Appel) a estimé, qu'il n'a pas eu d'intention spéculative au moment de l'acquisition, de chacune des trois parcelles.

Pour apprécier l'intention spéculative, il y a lieu de se placer à la date de l'acquisition.

Par ailleurs des éléments survenant par la suite peuvent néanmoins être pris en compte pour apprécier cette intention au moment de l'acquisition.