Contexte de l'affaire
La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur la recevabilité d’une demande en réparation de préjudice moral d’une associée minoritaire de SARL envers son époux également gérant de la société (Cour de cassation, n°21-21.871, 24 mai 2023).
Procédure collective et action en responsabilité
Lorsqu’une société est en procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), seul le mandataire judiciaire ou le liquidateur peut agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers. Néanmoins, l’action en responsabilité envers le dirigeant par un créancier reste possible pour des faits antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure dès lors qu’il a subi un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers qui résulte d’une faute du dirigeant.
Une SARL en liquidation
Une SARL formée par un couple marié sous le régime de la séparation de biens connaît des difficultés. L’époux est gérant et son épouse est associée minoritaire. En octobre 2013, le tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire. En février 2015, la liquidation judiciaire est finalement prononcée. L’épouse déclare détenir une créance, constituée de son compte courant d’associé, d’un montant de 1,3 million d’euros. Elle assigne en justice, son époux en sa qualité de gérant en réparation du préjudice moral invoquant un comportement fautif l’ayant conduite à la dépression et à l’impossibilité de léguer à ses enfants un patrimoine dilapidé dans la gestion de la société. En juin 2021, la Cour d’appel de Nîmes rejette cette demande. L’épouse se pourvoit en cassation.
L’épouse fondait son préjudice moral sur la violence du comportement de son époux, notamment par l'embauche au sein de la société de ses maîtresses, mieux payées qu'elle, l'emploi de mots durs et blessants, la confiscation à son avantage de toute sa fortune personnelle et familiale.
La décision de la Cour de cassation
Dans une décision rendue le 24 mai 2023, la haute juridiction casse et annule la décision du tribunal d’appel. Elle estime que la Cour d’appel aurait dû rechercher si les fautes imputées par l’associé minoritaire à son mari étaient constitutives d’un préjudice moral dont la réparation était étrangère à la reconstitution du gage commun des créanciers.
Source : Cour de cassation, n°21-21.871, 24 mai 2023
Lire aussi : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 24 mai 2023, 21-21.871, Inédit - Légifrance
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 24 mai 2023, 21-21.871, Inédit
Commentaire de LégiFiscal
Le créancier ayant subi un préjudice moral né antérieurement à l’ouverture d’une procédure collective résultant de la faute du dirigeant peut demander réparation dans la mesure où ce préjudice est distinct de celui des autres créanciers.