Contexte de l'affaire
Par acte des 27 et 30 décembre 2010, Mme F a donné la nue-propriété d'un bien immobilier à ses petits-enfants, Mme P, épouse J, et M. P (les consorts P).
L'acte a été déposé à l'administration fiscale le 31 décembre 2010 accompagné du paiement des droits, par chèque.
L’acte a été enregistré le 4 janvier 2011.
Le 12 décembre 2014, l'administration fiscale a adressé aux consorts P. une proposition de rectification, fondée sur une réévaluation du bien donné.
Après rejet de leur contestation, elle a mis en recouvrement des droits.
Les consorts P ont contesté cette rectification. Pour eux l'administration avait exercé son droit de reprise au-delà du délai fixé à l'article L.180 du LPF (Livre des Procédures Fiscales). La prescription du droit de reprise de l'administration, aurait dû être exercé avant le 31 décembre 2013.
Article L180
Version en vigueur du 01 janvier 2013 au 01 janvier 2018
« Le droit de reprise de l'administration peut s'exercer jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au cours de laquelle l'exigibilité des droits a été suffisamment révélée par l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration ou par l'exécution de la formalité fusionnée sans qu'il soit nécessaire de recourir à des recherches ultérieures. »
« Toutefois, ce délai n'est opposable à l'administration que si l'exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité … »
En l’espèce :
- Les comptables ne peuvent pas différer l'enregistrement des actes et mutations dont les droits ont été payés
- L’acte de donation est passé entre les parties le 27 décembre 2010, accompagné du chèque relatif aux droits d'enregistrement
- Il a été réceptionné par l'administration des impôts le vendredi 31 décembre 2010
- Son enregistrement a lieu le 4 janvier 2011.
L’administration a considéré que cette date constituait le point de départ de la prescription abrégée du délai de reprise.
En appel, la Cour confirme le jugement de première instance.
Les consorts P se sont pourvus en cassation.
Pour la Cour
Vu les articles 1703 du code général des impôts et L. 180 du LPF :
Il résulte de la combinaison de ces textes que, dans l'hypothèse où
- Les droits ont été payés au jour du dépôt
- Et où la formalité de l'enregistrement a été acceptée par le comptable,
« l'acte ou la déclaration soumise à droits doivent être réputés enregistrés à la date de leur dépôt afin de ne pas faire subir au contribuable un allongement du délai de reprise pour une cause qui ne lui serait pas imputable. »
« Il résulte de l'article 1703 du code général des impôts que la présentation à l'enregistrement d'un acte notarié fait présumer que les droits y afférents ont été acquittés ».
Par ailleurs l'administration n’a pas fait savoir que ces droits n'avaient pas été payés au jour du dépôt de l'acte, et que la formalité de l'enregistrement avait été refusée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône aux dépens ;
(…)
Commentaire de LégiFiscal
Selon l'article 1703 du CGI, la présentation à l'enregistrement d'un acte notarié fait présumer que les droits y afférents ont été acquittés.
L’objectif est de ne pas faire courir le délai de reprise de l'administration, au détriment des contribuables pour une cause qui ne leur est pas imputable, ici le délai d'enregistrement, en l’occurrence.