Contexte de l'affaire
Décédé le 4 septembre 2014, M. FX laisse pour lui succéder son épouse, Mme T, et son fils unique, M. X.
Son épouse opte pour l'usufruit de la totalité des biens dépendant de la succession.
La déclaration de succession déposée, impute la totalité du passif de la succession sur la part de M. X, qui est nu-propriétaire.
L'administration fiscale conteste cette répartition. Elle considère que le passif successoral aurait dû être réparti entre les deux héritiers, soit l'usufruitier et le nu-propriétaire (article 669 du CGI Code Général des impôts).
D’où un rappel de droits d'enregistrement.
M. X conteste, et assigne l'administration fiscale en décharge des droits réclamés.
Pour l'administration fiscale :
- Les droits de mutation à titre gratuit sont déterminés sur la part nette revenant à chaque ayant-droit, qui est personnellement tenu des dettes et charges de la succession pour sa part.
En tant que conjointe survivante, Mme X avait opté pour la totalité de l'usufruit de la succession.
Pour la Cour d’appel les dettes de la succession devaient être déduites de la seule part de M. X.
Sur la contribution à la dette :
Le conjoint survivant, usufruitier légal « est tenu, à proportion des seuls intérêts de la dette successorale, qui sont la charge des fruits, à l'exclusion du capital ».
Ici le CGI (Code Général des Impôts) et le code civil, en leurs articles, peuvent amener à une interprétation quelque peu différente.
Article 777 du CGI (Code Général des Impôts) : « Les droits de mutation à titre gratuit sont fixés aux taux indiqués dans les tableaux ci-après, pour la part nette revenant à chaque ayant droit »
Article 669 du CGI : « la valeur de la nue-propriété et de l'usufruit est déterminée par une quotité de la valeur de la propriété entière, conformément au barème …»
Article 870 du code civil : « Les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu'il y prend. »
Article 612 du code civil : « L'usufruitier, ou universel, ou à titre universel, doit contribuer avec le propriétaire au paiement des dettes ainsi qu'il suit :
On estime la valeur du fonds sujet à usufruit ; on fixe ensuite la contribution aux dettes à raison de cette valeur. »
En cas de démembrement, l'usufruitier n'est pas tenu au passif successoral, lequel incombe au nu-propriétaire et doit être intégralement déduit de la part de celui-ci.
Pour M. X le code civil imposait que le passif successoral soit intégralement déduit de sa part en tant que nu-propriétaire.
En appel
La cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 669 du CGI et, par fausse application, l'article 612 du code civil.
Pourvoi en cassation, l'administration fiscale a fait une juste application de la règle de détermination de la part nette de M. X.
En l’espèce, donc, la demande de décharge de M. X est rejetée.
Pour la Cour de cassation :
« D’où en l'absence de partage pur et simple et lorsque l'actif de la succession, grevée d'une dette, a fait l'objet d'un démembrement des droits de propriété, la part nette revenant à l'usufruitier et au nu-propriétaire doit être fixée en répartissant cette dette selon les proportions prévues par l'article 669 du code général des impôts, … »
Dispositif
Par ces motifs la Cour :
Casse et annule en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme le jugement ;
Rejette la demande de M. X ;
Condamne M. X aux dépens en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
Commentaire de LégiFiscal
L’objet ici est la répartition du passif successoral, en présence d'un démembrement de propriété, et la cohabitation entre le code général des impôts et le code civil.
La répartition du passif successoral en droit civil ne correspond pas toujours à la répartition fiscale, du passif pour le calcul de l'assiette des droits de mutation.